1. Introduction
1.1 La Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur autorise le Tribunal canadien du commerce extérieur, lorsqu’il détermine que la plainte dans une procédure portant sur un marché public est fondée, à recommander que soient prises les mesures correctives qu’il juge indiquées, y compris le versement à la partie plaignante d’une indemnité dont il précise le montant.
1.2 Lorsque le Tribunal décide de recommander le versement d’une indemnité, ni la Loi ni le Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics ne guident le Tribunal sur la façon d’en déterminer le montant précis.
1.3 Le Tribunal a adopté les présentes lignes directrices pour aider les parties à une procédure à l’issue de laquelle il a recommandé le versement d’une indemnité, et pour les informer des principes fondamentaux qui peuvent le guider dans sa détermination du montant de l’indemnité indiqué.
1.4 Les présentes lignes directrices ne limitent ni ne diminuent en rien la discrétion laissée au Tribunal aux termes de la Loi. Dans la mesure où la méthode ou les principes fondamentaux énoncés ci après peuvent ne pas convenir ou ne pas être applicables, selon le cas, le Tribunal peut y déroger.
2. Principes directeurs
2.1 Les indemnités accordées sont déterminées par application de l’article 30.15 de la Loi.
2.2 L’indemnité accordée ne se fonde pas sur des hypothèses ou des conjectures. Le Tribunal reconnaît que, pour préciser le montant de certaines indemnités, il lui sera nécessaire de faire des projections. Cependant, dans tous les cas, les demandes d’indemnité doivent être accompagnées de données économiques, financières ou autres éléments probants fiables.
2.3 Le Tribunal reconnaît que certains renseignements nécessaires pour établir une demande peuvent avoir un caractère hautement confidentiel et délicat sur le plan commercial. Néanmoins, de tels renseignements doivent être transmis au Tribunal à l’appui des demandes qui sont présentées. Les détails concernant la pratique et la procédure du Tribunal en matière de renseignements confidentiels se trouvent aux articles 46 à 48 de la Loi, et sont expliqués dans les Lignes directrices sur la confidentialité du Tribunal.
3. Lignes directrices
3.1 Détermination de l’indemnité
3.1.1 Les présentes lignes directrices expliquent les principes que le Tribunal estime indiqués en ce qui concerne les dommages-intérêts pour perte de profits ou d’occasion.
3.1.2 Pour déterminer le montant de l’indemnité à recommander, le Tribunal tentera, dans la mesure qu’il estime indiquée dans les circonstances et compte tenu de toute autre mesure corrective qu’il a recommandée, de placer la partie plaignante dans la position où cette dernière se serait trouvée, n’eût été l’infraction du gouvernement. À cette fin, le Tribunal peut recommander que des intérêts avant jugement soient inclus dans le montant de l’indemnité.
3.1.3 Les profits perdus s’entendent des profits que la partie plaignante aurait tirés du contrat spécifique si ce dernier lui avait été adjugé. Le Tribunal peut recommander une indemnité en reconnaissance des profits perdus lorsqu’il est clair que, n’eût été l’infraction du gouvernement, le marché aurait été adjugé à la partie plaignante.
3.1.4 Une indemnité en reconnaissance d’occasion perdue peut être recommandée dans les circonstances où il est impossible de conclure si le marché avait été adjugé à la partie plaignante ou s’il avait été adjugé à un autre soumissionnaire, n’eût été l’infraction du gouvernement. Dans les cas où le Tribunal ne peut conclure que le contrat spécifique aurait été adjugé à la partie plaignante, mais qu’il conclut que ladite infraction a fait perdre à cette dernière l’occasion de participer de façon active ou significative à la procédure de passation du marché public, le Tribunal peut recommander le versement d’une indemnité en reconnaissance d’occasion perdue. L’indemnité pour occasion perdue peut aussi être accordée eu égard aux modalités afférentes à toute option de renouvellement pour une période donnée prévue au marché en cause. Cependant, le Tribunal ne recommandera pas une indemnité en reconnaissance d’occasion perdue en ce qui a trait au renouvellement potentiel d’un contrat ou à l’exercice potentiel d’une option de renouvellement si, selon la balance des probabilités, il n’existait aucune probabilité raisonnable d’un renouvellement profitable.
3.1.5 Pour calculer l’indemnité en reconnaissance d’occasion perdue, le Tribunal prendra les profits qu’une partie plaignante aurait tirés du contrat et les divisera par le nombre de soumissionnaires potentiels. Cette méthode de calcul a pour but de refléter la perte réelle subie en raison de l’infraction du gouvernement, par opposition à un gain imprévu.
3.1.6 Le Tribunal peut augmenter le montant de l’indemnité afin de tenir compte de la valeur temporelle de l’argent. Si le Tribunal conclut que la partie plaignante aurait commencé à tirer des profits du contrat au moment de son adjudication, il peut tenir compte du fait que la partie plaignante aurait pu investir et utiliser ces profits après l’adjudication du contrat. Dans un tel cas, le Tribunal peut augmenter le montant de l’indemnité en conséquence.
3.1.7 Dans des cas exceptionnels, le Tribunal peut recommander une indemnité pour le préjudice causé à l’intégrité du régime d’adjudication. En général, une telle indemnité sera recommandée uniquement lorsqu’un préjudice sérieux a été causé au mécanisme d’adjudication et qu’il y a eu absence de bonne foi dans la procédure d’adjudication.
3.2 Réductions de l’indemnité suggérée
3.2.1 Le montant de l’indemnité accordée pour perte de profits ou d’occasion peut être réduit en conformité avec les principes suivants.
- Caractère lointain des dommages-intérêts : Aucune indemnité n’est accordée à la partie plaignante relativement à une perte que le Tribunal estime trop lointaine. Une infraction peut causer à la partie plaignante une perte d’un gain prévu qui ne découle pas de façon immédiate de l’infraction et qui se rattache à une transaction distincte. D’une façon générale, une perte peut être considérée comme trop lointaine lorsqu’elle ne découle pas naturellement d’une infraction du gouvernement ou lorsque le gouvernement ne pouvait raisonnablement pas savoir que l’infraction causerait une telle perte à la partie plaignante.
- Minimisation des dommages-intérêts : Le Tribunal tient compte aussi des mesures que la partie plaignante aurait pu prendre pour éviter les pertes subies à la suite de l’infraction du gouvernement. Ce principe est souvent désigné par l’expression « obligation de limiter » les dommages-intérêts. Pour décider du montant de l’indemnité à recommander, le Tribunal demande à la partie plaignante de décrire les mesures qu’elle a prises pour réduire ou minimiser les pertes de profit qu’elle a subies ou est susceptible de subir à la suite de l’infraction du gouvernement. L’indemnité recommandée par le Tribunal peut être réduite lorsqu’une partie plaignante n’a pas agi de façon raisonnable à cet égard.
- Montant lié aux éventualités : Même si les parties plaignantes prévoient tirer un profit de l’exécution d’un contrat spécifique, l’exploitation d’une entreprise commerciale est rarement, sinon jamais, dénuée de risques et peu de contrats sont assortis d’un seuil de profit garanti. La recommandation du Tribunal peut être ajustée à la baisse pour tenir compte de divers risques qui pourraient être rattachés à l’exécution du contrat, y compris aux plans contractuel, commercial et des ressources humaines, notamment. Le montant de l’ajustement à la baisse dépend du risque relatif associé à l’exécution du contrat spécifique en question.
- Montant lié à la valeur temporelle de l’argent : De nombreux contrats sont répartis sur une certaine période, et les paiements afférents sont versés en conséquence. Par opposition, un montant d’indemnité recommandé par le Tribunal est versé sous forme de montant forfaitaire à un moment précis, généralement peu après l’infraction du gouvernement et avant l’exécution prévue du contrat. Pour déterminer le montant de l’indemnité indiqué lorsque le contrat en question comporte un paiement futur, le Tribunal demande aux parties de lui présenter des exposés sur les hypothèses qui devraient être appliquées au « calcul de la valeur actualisée » dans les circonstances. L’objet du « calcul de la valeur actualisée » est de déterminer le montant indiqué à verser à une partie plaignante aujourd’hui pour l’indemniser en reconnaissance des profits qu’elle aurait gagnés, n’eût été l’infraction du gouvernement, au cours d’une période encore à venir. La valeur temporelle de l’argent peut toutefois entraîner une augmentation du montant de l’indemnité, comme prévu au paragraphe 3.1.6.
- Marge bénéficiaire non étayée : Si la partie plaignante omet d’étayer sa marge bénéficiaire, le Tribunal peut soustraire de l’indemnité suggérée le pourcentage de marge bénéficiaire qu’il juge indiqué dans les circonstances.
4. Procédure
4.1. Le fardeau de la preuve du bien-fondé d’une demande d’indemnité incombe à la partie plaignante
4.1.1 Lorsque le Tribunal recommande le versement d’une indemnité à une partie plaignante, cette dernière dépose un exposé auprès du Tribunal, dans les 30 jours qui suivent la date à laquelle elle a reçu l’avis de la recommandation du Tribunal. L’exposé doit préciser le montant de l’indemnité qu’elle estime indiqué dans les circonstances et doit inclure les éléments suivants :
- une section narrative, décrivant en détail les motifs qui justifient le montant de l’indemnité demandé par la partie plaignante;
- les états financiers, les rapports, les dossiers, les prévisions et les autres renseignements ou données économiques nécessaires pour justifier le montant de l’indemnité demandé par la partie plaignante;
- une description détaillée des mesures, le cas échéant, prises par la partie plaignante pour réduire ou minimiser ses pertes qui, n’eussent été ces mesures, auraient pu être associées à l’infraction du gouvernement aux accords applicables;
- lorsque le Tribunal a recommandé le versement par le gouvernement d’une indemnité en reconnaissance des profits perdus, une section qui traite du montant lié aux éventualités à déduire des profits perdus et une autre section qui traite de la valeur temporelle de l’argent qui est également à déduire de l’indemnité;
- tout autre renseignement que la partie plaignante estime pertinent aux fins de la détermination du montant de l’indemnité indiqué.
4.1.2 Lorsque la partie plaignante s’appuie sur un calcul des profits pour établir le montant de l’indemnité demandée, elle peut présenter, notamment, ses états financiers ou ses contrats de taille analogue à celle du contrat en cause. Le dépôt d’un affidavit d’un tiers (tel qu’un comptable externe) peut aussi s’avérer utile.
4.1.3 Le Tribunal peut, en tout temps, demander à la partie plaignante de lui soumettre des renseignements ou documents supplémentaires liés à la demande d’indemnité. Dans les cas où des renseignements supplémentaires sont demandés, une copie en est transmise au ministère fédéral intéressé et ce dernier dispose d’un délai de cinq jours pour présenter des exposés supplémentaires au sujet desdits renseignements.
4.1.4 Le Tribunal peut demander que tout renseignement soumis par une partie plaignante fasse l’objet d’une vérification par un tiers expert indépendant, d’un dépôt d’affidavit ou d’une autre forme de validation. Bien que la partie plaignante doive supporter initialement le coût de toute expertise nécessaire pour étayer la demande, le Tribunal peut inclure dans une indemnité qu’il accorde un montant pour indemniser, en totalité ou en partie, la partie plaignante d’un tel coût.
4.1.5 Dès réception d’un exposé soumis aux termes du paragraphe 4.1.3 ou de tout autre document ou exposé complémentaire soumis aux termes du paragraphe 4.1.4, ou autrement, le Tribunal doit en envoyer une copie au ministère fédéral intéressé.
4.1.6 Dans les 20 jours qui suivent la réception des documents ou des exposés envoyés aux termes du paragraphe 4.1.5, le ministère fédéral intéressé doit déposer sa réponse, s’il y a lieu, auprès du Tribunal, qui en transmettra aussitôt une copie à la partie plaignante.
4.1.7 À moins qu’il n’ait besoin d’information complémentaire, le Tribunal doit aviser les parties, dans les plus brefs délais suivant la réception de l’exposé du gouvernement déposé aux termes du paragraphe 4.1.6, du montant de l’indemnité dont il recommande le versement.